Wednesday, October 03, 2007

Histoire de morceaux dans le désordre

* Lundi 10 septembre - ils vécurent heureux et eurent plusieurs enfants
Caroline et moi sommes en pleurs en s'étreignant. C'est l'émotion des derniers jours qui ressort. Je retourne à la maison avec 4 côtés cassées, une clavicule mal fracturée, l'omoplate en morceaux et la rate lacérée. Tout devrait bien aller. Sont envisagées les injections d'anticoagulant deux fois par jour pour les prochaines semaines. Parmi les pensées; la saison de squash et les cours de chant viennent de prendre le bord pour un ti-boutte. Et moi qui devait être à San Diego sur le bord de la plage cette semaine...

* Dimanche 9 septembre - les rayons de soleil multicolores
L'avantage de ne pouvoir "faire ses nuits", c'est de voir le soleil se lever. Et j'ai la meilleure place de ma chambre à trois pour profiter de celui-ci. Ça commence avec des belles couleurs bleues et rosées à l'horizon. Puis c'est le jaune chaleureux qui projette des motifs à travers les stores verticaux. Merveilleux. Ça dure assez longtemps pour pouvoir déguster ces belles couleurs. Ô comment notre rythme effarant fait qu'on prend rarement le temps de jouir des levés de soleil.

C'est aussi le changement de chiffre pour les infirmières privées de mes deux co-chambreurs. L'expérience m'a fait constater ces éléments : les infirmières privées sont utiles parce qu'elles assurent une présence physique et morale pour les patients, permettant réellement de mieux les servir. Cependant, il semble qu'elles ne soient pas également compétentes et qu'elles sont les proies des mensonges des patients. En effet, mes deux co-chambreurs ont carrément menti à leurs infirmières privées, celles-ci, changeant à tous les 8 heures, n'étant pas au courant des limites établies par les infirmières de l'hôpital et des médecins. Ces mensonges sont même allés à mettre leur propre santé en danger. Je suis donc perplexe, ne sachant pas si les bénéfices des infirmières privées surpassent les inconvénients potentiels.

Sans vouloir généraliser, voilà quelques mots sur mon co-chambreur le plus en forme. Le tout a commencé avec une intéressante discussion entre lui et un de ses visiteurs. Ils discutaient de la vie, du détachement, de l'univers et du temps. Des sujets que j'aime quoi. Aussi zen et allumé que cet homme pouvait paraître avec son visiteur, qui s'est révélé par la suite être un de ses adeptes, il était sans détour condescendant et méprisant envers les autres. Par exemple, en demandant aux infirmières de se taire parce qu'elles polluent son cerveau avec leurs discussions superficielles. Mentir et même se faire prendre à recracher les pilules qui lui sont destinées. Double-standard pour haut placé d'une secte (ou religion ?) bien connue dont je tairai le nom.

* Samedi 8 septembre - Attention la morphine Mme Tracy
J'ai été transféré durant la nuit de l'hôpital de Valleyfield à l'Hôpital Général de Montréal, spécialisé en traumatologie, car mon cas était plus complexe qu'anticipé. J'imagine que c'est à cause des possibilités d'hémorragie interne liées à la rate lacérée. Mon entrée à l'urgence de traumatologie est marquante. On m'a rapidement mis dans un coin de la salle. J'étais pas un cas qui méritait beaucoup d'attention. Tant mieux d'ailleurs ! Les autres patients qui entrent en traumatologie alors que j'y suis n'ont clairement pas été aussi chanceux que moi dans leur malchance. Un de ceux-ci s'était fait frappé par un taxi alors qu'il était en vélo. Comme si un train lui avait passé dessus. Pas des belles choses à voir.

Depuis l'accident, je suis sur la morphine. Sur demande, et j'en demande que si vraiment la douleur est un peu trop forte. Les médecins sont clairs : plus facile de guérir lorsqu'on ne souffre pas. Une fois transféré dans une salle pour les soins intensifs, l'infirmière Tracy me prépare une dose généreuse de morphine. Si généreuse que y'a pu de problème du tout avec la douleur. J'en suis même rapidement convaincu que la dose est définitivement plus élevée que la douleur le requiert. Profitons du moment présent, tout en demandant quand même à Tracy de réduire la dose la prochaine fois !

Après plusieurs balades en radiographies et en scans durant une nuit éveillé, Caroline est revenue me rejoindre le matin. Transfert en fin d'après-midi dans une chambre avec belle vue sur le sud de l'Île. Et puis voilà les premiers aliments et première gorgée d'eau tard en soirée, après 28 heures, croyez-moi que ça fait du bien !

* Vendredi 7 septembre - les accidents, ça n'arrive qu'aux autres
Tout s'est passé si vite. À peine le temps de réaliser que j'étais en train de sortir de la route que badang, je me retrouve à genoux dans l'champ en train de chercher mon souffre. Ce sont ceux qui me suivaient en voiture qui m'ont appris que j'avais fait quelques tonneaux avec ma moto, je ne me rappelle pas de ceux-ci. Faut le faire quand même, après quatre années de moto, se planter sur une ligne droite et à basse vitesse. J'imagine que je ne saurai jamais la/les causes derrière mon vol plané. Sans doute un peu d'inattention, des bonnes rafales de vent (ils annonçaient des rafales de 50-70km/h) et sans doute aussi le fait que je revenais d'une sortie de karting avec des collègues, de quoi moduler mes réflexes de conduite ! Ultimement, les raisons sont sans grande importance. J'ai juste été très chanceux que ce soit le gazon qui m'ait accueillit. C'est si facile de se faire drôlement plus mal dans un accident de moto que quelques côtes cassées, une clavicule mal fracturée, une omoplate en morceaux et une rate lacérée, que je ne vais pas me plaindre ! Rien à la colonne vertébrale, au cou, aux mains, au visage.

Je me dois d'écrire quelques mots sur les ambulanciers. C'est incroyable ce que ces personnes acceptent de faire comme travail. J'étais un cas assez facile, mais ramasser les accidentés en douleur et devoir gérer le biologique et l'émotif de toutes les personnes présentes sur les sites d'accidents, c'est tout une job ! Des conditions plus difficiles que bien des médecins, mais leur travail est loin d'être aussi bien reconnu. J'en profite également pour lancer un grand merci à mon collègue Serge, de loin un des homme les plus intègre dans sa bonté que je connaisse (et plus intègre que moi, sans équivoque :-).

Pour les curieux, avec Caroline enceinte et ma faible utilisation de la moto (faut avouer que j'ai toujours eu une approche pragmatique face à celle-ci, elle me transporte, ce n'est pas une passion pour moi), nous avions décidé de la mettre en vente. J'avais même un acquéreur intéressé. Mais ça a l'air que j'ai choisi de finir ma relation avec ma moto de manière mémorable... ;-)

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J'aurais eu davantage d'anecdotes à raconter, mais n'ayant pas pris de notes et voulant terminer ce texte déjà long, vous en êtes graciés ! ;-)

Le plus gros choc après l'accident est survenu deux semaines après, au moment de commencer la physiothérapie. Je n'avais pas réalisé que malgré l'absence de douleurs aiguës, je n'étais plus capable de bouger mon bras gauche du tout. Assez étrange et inquiétant ! Pas à cause du bras lui-même, mais plutôt parce que tout ce qui doit le retenir est mal en point. Avec la physiothérapie, la réhabilitation progresse rapidement. Mon bras bouge presque normalement, mais c'est sans doute qu'aux environs de Noël que j'aurai retrouvé une bonne partie de la mobilité et de la force d'avant l'accident.

Pendant ces semaines à la maison, j'aurai compris l'intérêt des pointillés sur le rouleaux de papier de toilette, l'impossibilité de s'attacher les cheveux avec une seule main, ou même des choses plus simples comme se laver ou attacher ses lacets. J'ai également découvert que d'être forcé de dormir que sur le dos n'est pas nécessairement si agréable non plus ! Heureusement, je suis très bien entouré de ma famille et amis, et bien sûr, de mon adorable Caroline.

Retour au travail la semaine prochaine, donc ça aura pris un mois de repos. Repos, il faut le dire vite, car je n'ai pas l'impression d'avoir chaumé. Non seulement les activités ordinaires demandent davantage de temps pour être accomplies, mais s'ajoutent la grande quantité de paperasse à remplir, les achats à faire pour les bris, la moto à faire réparer, la physiothérapie à tous les jours et les visites à l'hôpital. Retour au travail, mais reste tout de même plusieurs semaines de physiothérapie pour récupérer la mobilité et la force de mon bras gauche. Ça va débouler rapidement avec le bébé qui s'en vient pour la fin décembre !

Je suis très positif. Évidemment, je me serais bien passé de cet accident, mais j'ai été très chanceux ! Mes meilleures salutations à tous !